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"Oeuvres" de jeunesse n°3 : Accident(s)

Publié le par Nicolas Ravain

"Oeuvres" de jeunesse n°3 : Accident(s)

Aujourd’hui, le numérique est roi. CD. DVD. DivX. Blu-Ray.

Avant ça, il y eut l’ère analogique. Les bonnes vieilles VHS. Les cassettes audio.

Les premiers films que j’ai fait (réaliser serait un grand mot) étaient sur support analogique, ces caméscope à cassettes que l’on empruntait au père d’un pote pour faire des films de gangsters dans les bois et les fermes abandonnées des alentours.

Pas de montage. On faisait ce qu’on appelle du « tourné-monté » : un plan dans la boîte, et on faisait celui qui venait juste après, et ainsi de suite.

On était au collège. C’était un jeu.

Un peu plus tard, au lycée, j’ai acheté sur une brocante de mon patelin une petite caméra 8mm, équipée de quelques bobines de pellicule, d’une colleuse et d’une visionneuse.

"Oeuvres" de jeunesse n°3 : Accident(s)

Moi aussi, je voulais faire comme mes idoles de cinéma, les Steven Spielberg et Scorsese, qui déclaraient dans leurs interviews avoir tourné des petits films sur pellicule 8mm dans leur jeunesse. Peut-être qu’avec ça, j’allais être capable de tourner un « vrai » film ? Et qu’ensuite j’irais à Hollywood pour réaliser des films de science-fiction ?

J’ai donc écrit un scénario très court et très simple, l’histoire d’un type qui percute un autre type sur la route et, en l’absence de témoin, décide d’effacer les traces de son méfait et d’enterrer le corps dans la forêt.

"Oeuvres" de jeunesse n°3 : Accident(s)

J’ai rassemblé un groupe d’amis et hop, nous voilà partis dans la campagne de l’Oise pour tourner le film.

Il fait gris. Il fait sombre. Il pleuviote.

N’y connaissant rien techniquement à ce genre d’instrument, je me contente de mettre l’œil dans le viseur et d’appuyer sur le bouton.

Clac-clac-clac-clac-clac-clac.

Ca tourne !

Si ma mémoire ne me trahit pas, il me semble que nous avons tourné en 2 fois. Et le lendemain, le soleil est de la partie !

Bon voilà, le film est « dans la boîte », comme on dit !

A la différence de l’analogique ou du numérique, je ne peux pas voir immédiatement ce qu’on a filmé, il faut d’abord que je fasse développer la pellicule dans un laboratoire.

J'envois le tout par la poste.

J’attends. Plusieurs jours. Et je les reçois quelques temps plus tard.

Voyons voir ce que ça donne tout ça !

"Oeuvres" de jeunesse n°3 : Accident(s)

A l’aide de ce petit appareil, en tournant activement une manivelle (le petit moteur ne fonctionne malheureusement plus !), je peux enfin regarder les rushes de ce que nous avons filmé !

La joie et l’émerveillement sont aussi grands que la déception de me rendre compte qu’une partie des images sont toutes sombres, presque illisibles ! Je ne sais toujours pas aujourd’hui si cela est dû au fait qu’il faisait bien sombre dans les bois ce jour-là (contrairement aux caméscopes actuels, la pellicule a besoin de pas mal de lumière pour être correctement imprimées !), ou si cela est dû à une utilisation approximative de la caméra elle-même qui nécessitait sûrement des réglages précis que je ne connaissais pas du tout à l’époque.

Bon, tant pis !

Il va falloir faire avec ce qu’on a !

Dans l’obscurité et le silence de ma chambre d’adolescent, je tourne la manivelle et visionne donc toutes les images, prends des notes, pour élaborer le montage à venir.

Quel confort aujourd’hui que ces logiciels informatiques qui permettent de tester/rajouter/modifier/annuler toute sortes d’effets en un clin d’œil !

Là, il faut couper la pellicule à telle image précise (une image mesure environ 5mm sur 3,5 mm !), pour ensuite la coller à un autre morceau de pellicule avec un scotch transparent extrêmement petit !

"Oeuvres" de jeunesse n°3 : Accident(s)

Remettre ensuite la pellicule sur la visionneuse, tourner la manivelle, voir ce que donne le raccord, et recommencer.

Tout un bazar !

Le travail est laborieux et précis, mais comporte aussi une dimension magique, avec tous ces vieux appareils, et les milliers de photogrammes qui, mis bout-à-bout, composent le film.

Après des heures et des soirées passées à tourner, couper, coller, je termine enfin le montage !

Je tiens mon film dans la main !

Il est là !

Enroulé autour de sa bobine, il mesure plusieurs dizaines de mètres de long pour une durée de 5 minutes environ.

"Oeuvres" de jeunesse n°3 : Accident(s)

Dernière étape pour aller au bout du processus : la projection.

Encore une fois, il ne s’agit pas simplement d’introduire le support dans un magnétoscope, un lecteur DVD ou un ordinateur quelconque et d’appuyer sur le bouton play. Il faut dégotter un projecteur, encore en état de marche et correspondant au calibre de la pellicule !

Par chance, le père d’un ami en possède un !

Chouette !

Alors un après-midi, je réunis le groupe d’amis chez moi, on déplie l’écran blanc, je place la pellicule dans l’appareil, on ferme les volets, et c’est parti !

Clac-clac-clac-clac.

On regarde tous le film en silence (qui ne comporte pas de bande-sonore), à la fois émerveillés et amusés. Les 5 minutes sont un peu magiques. On se croirait revenus aux origines du cinéma.

Le film est terminé. On applaudit. On rit. Puis on rembobine la pellicule.

Et on le regarde encore une fois, et c’est à nouveau magique !

"Oeuvres" de jeunesse n°3 : Accident(s)

Quelques années plus tard, devenu étudiant en cinéma à Amiens, je confie l’unique copie du film à une boutique de photographie pour qu’il le transfère sur support numérique. Quelques semaines plus tard, je viens rechercher ma bobine de pellicule ainsi que le film sur DVD.

Je m’empresse de le regarder sur mon ordinateur, car il y a bien longtemps que je ne l’ai pas visionné ! Bon, je ne sais pas trop pourquoi, car je n’ai rien demandé de tel, mais une bande-son a été rajoutée au film lors du transfert : le thème du film l’Exorciste en l’occurrence !

Soit ! Ca rend plutôt pas mal !

Et je peux maintenant le regarder plus facilement !

Alors voilà, après toutes ces aventures, le voici, rien que pour vous : Accident(s), "un film écrit, réalisé et monté par Nicolas Ravain" comme le dit si modestement le carton de générique du début !

En ressortant tout ce bazar des cartons poussiéreux à l’occasion de l’écriture de cet article, je rêve maintenant de mettre la main sur un projecteur 8mm pour redécouvrir mon film sur un écran, comme à l’époque.

Mais... c’est bientôt la période des brocantes, non ?

Que soient ici citées et remerciées les personnes qui ont participé à cette aventure il y a 10 ans : Nicolas Doffemond, Matthieu Ancey, Teddy Pelletier, Steve Pelletier, Louise Boulc'h et Julie Lemonnier.

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